Durant la seconde guerre mondiale Le Puy-en-Velay a été un refuge pour de nombreux enfants, adolescents et familles juives qui ont pu y vivre en relative "quiétude". Il n'y avait pas de canal unique pour venir vivre au Puy mais différentes initiatives.
Nommés "Justes parmi les Nations" ou restés anonymes, des femmes et des hommes ont au Puy sauvés des Juifs des persécutions antisémites et des camps d'extermination, bravant les risques encourus.
Afin de saluer l’action singulière d’Alex Brolles qui, au travers de son association Les Petits Bergers des Cévennes a caché des enfants et des adolescents juifs au Puy et alentours une cérémonie a eu lieu ce dimanche matin, rue Porte Aiguière, devant l’entrée de ce qui fût le siège de son association.
Le Maire, Michel Chapuis, les personnalités civiles et militaires, les anciens combattants, plusieurs représentants de la communauté juive et anonymes ont participé à ce moment de recueillement, durant lequel une plaque commémorative a été dévoilée.
Cette matinée de souvenir s’est poursuivie à l’Hôtel de Ville avec un moment chargé d’émotions, et ô combien important pour 2 anciens réfugiés juifs, Michel Blum et Daniel Marx qui ont souhaité manifester publiquement leur reconnaissance vis à vis des habitants, de l’administration préfectorale et de la police du Puy en, Velay pour leur bienveillance à l’égard de tous les réfugiés juifs durant ces sombres années 1940 à 1944. La plaque dévoilée en mairie du Puy en Velay ce 6 Novembre grave dans le marbre leur gratitude envers la ville du Puy en Velay.
Contexte historique
Dès l’été 1940 et l’occupation allemande de la moitié de la France, l’État français à Vichy instaure une législation anti-juive. Des dizaines de milliers de Juifs étrangers sont internés dans des camps du sud de la France. Les premières arrestations massives en zone occupée ont lieu au printemps 1941. Un an plus tard, un premier convoi quitte le camp d’internement de Drancy à destination d’Auschwitz. La rafle du Vélodrome d’Hiver menée par la police française, les 16 et 17 juillet 1942, à la demande de l’occupant, n’épargne ni les femmes ni des milliers d’enfants. Peu après, la zone sud connaît elle aussi des rafles massives. Des 76 000 Juifs français et étrangers dont 11 000 enfants qui ont été déportés de France vers les camps de la mort, seuls 2 500 reviendront, parmi lesquels aucun enfant en bas âge.
Dès les premières mesures anti-juives, des Français manifestent leur solidarité avec les persécutés et refusent de se laisser influencer par la propagande antisémite. Au cours de l’été 1942, les protestations se font de plus en plus vives, notamment face au sort réservé aux enfants.
Des organisations non juives s’engagent aux côtés des réseaux juifs de sauvetage. Comptant parmi les principales manifestations de la Résistance civile, ces sauvetages prennent différentes formes parmi lesquelles : fabrication de faux papiers ; prise en charge d’enfants par des institutions religieuses ou laïques, ou par des familles ; hébergement clandestin ; organisation de passages vers la Suisse et l’Espagne, alors pays neutres ; transmission d’informations. Si certains auteurs de ces actes de sauvetage appartiennent à l’administration (en particulier maires, secrétaires généraux de mairie, fonctionnaires de préfectures, gendarmes, policiers), l’immense majorité ont agit individuellement. C’est en grande partie grâce à leur courage et à leur dévouement que les trois quarts des Juifs de France, soit environ 240 000 personnes, ont pu être sauvés alors que les deux tiers des Juifs d’Europe ont été assassinés.
Des exemples de courage et de dévouement
L’évocation du génocide juif ne serait complète sans l’histoire de ceux et celles qui, souvent au péril de leur vie, ont œuvré pour sauver des Juifs persécutés. Lueur d’espoir dans la sombre histoire de la Seconde Guerre mondiale, leurs actions se doivent d’être reconnues afin de témoigner de comportements redonnant confiance en l’espèce humaine.
En ce 80e anniversaire de la tristement célèbre rafle du Vel d’Hiv, orchestrée les 16 et 17 juillet 1942 par René Bousquet, secrétaire général de la Police nationale de l’époque, voici donc les noms des 4 Justes parmi les Nations de la cité ponote : Alex Brolles, Marcelle et Marcel Fachaud et Albert-Louis Bernard, dont il convient encore aujourd’hui de rappeler les noms, afin que les jeunes générations n’oublient jamais que la liberté ne mourra pas, tant qu’il y aura des hommes et des femmes prêts à se battre pour elle ».
Le Maire, Michel Chapuis, a tenu à souligner leur courage et leur dévouement.
« Les Justes sont devenus des exemples de courage pour toutes les générations à venir. Ils nous laissent en héritage leur combat pour la dignité humaine et méritent toute l’admiration qui est la nôtre et surtout notre infinie reconnaissance. Leurs actes doivent continuer aujourd’hui à nous guider. Ces héros ordinaires qu’étaient les Justes, qui pensaient, toutes origines et milieux confondus, n’accomplir que leur devoir, nous livrent encore aujourd’hui un message universel. Ils restent la lumière qui nous guide pour combattre ce mal absolu qu’est l’antisémitisme, malheureusement toujours présent dans nos sociétés ».
"Justes parmi les Nations" , ces héros de l’ombre
Alexandre dit Alex BROLLES (1907-1996)
Né le 21 décembre 1907 au Puy, Alex Brolles fonde en 1935, l’Œuvre des Petits Bergers des Cévennes pour permettre à de jeunes adolescents des milieux populaires des grandes villes de bénéficier d’un séjour estival à la campagne. Ayant établi son siège au 21 Rue Porte Aiguière au Puy, tout en tenant une permanence en région parisienne, très rapidement, c’est tout un réseau de délégués locaux bénévoles qui se met en place afin d’assurer la bonne marche des actions entreprises. C’est notamment grâce à ce réseau structuré que, durant la Seconde guerre mondiale, cette Œuvre va être en mesure de protéger des enfants de confession juive qui se mêleront aux autres adolescents au sein des deux centres d’accueil présents dans le bassin : le premier, dans l’ancien orphelinat des Frères de St-François Régis sur les hauteurs du Puy ; le second, dans une ancienne école désaffectée sur la commune de Polignac. En souvenir de ces sauvetages à répétition et sous l’impulsion d’un ancien enfant caché du nom de Pierre Weil, c’est tout logiquement qu’Alex Brolles s’est vu décerner le titre de Juste parmi les Nations en janvier 1994, deux ans avant de mourir dans sa 88e année.
Marcel et Marcelle FACHAUD (1907-1949 ; 1909-1980)
Né à Lille, le 8 juin 1907, Marcel Fachaud devient, au mois de février 1941, sous-brigadier de police au corps urbain du Puy, ville natale de sa femme Marcelle, née Portalier en 1909. Or, tandis que lui est affecté au service des étrangers, elle est employée des postes au Puy en qualité de téléphoniste, ce qui va s’avérer être un atout de taille pour la résistance locale. En effet, entrés tous les deux au mouvement «Combat» au mois de juillet 1942, les époux Fachaux ne vont dès lors cesser de communiquer de précieuses informations au service de renseignements de «Combat», puis des Mouvement Unis de la Résistance de la Haute-Loire à partir de l’année suivante. En effet, parlant couramment l’allemand, Marcelle peut intercepter de nombreux messages et ainsi prévenir la résistance ou des familles juives des éventuels déplacements de l’ennemi ou des rafles à venir ; tandis que son mari peut, quant à lui, fournir des faux-papiers et des cartes de rationnement. Au total, le couple aurait ainsi secouru des centaines de familles juives habitant le Puy et ses environs, notamment en permettant le sauvetage de la famille Singer, fichée comme « juifs étrangers » et installée au Puy en 1942. En effet, c’est notamment grâce à l’intervention de notre policier local que cette famille ne fut pas inquiétée durant l’intégralité de la guerre, et qu’elle put par la suite rejoindre les Etats-Unis. Si Marcel Fachaux décéda prématurément en 1949 d’une maladie contractée durant ces sombres années, sa femme continua quant à elle de correspondre avec la famille Singer jusqu’à son décès en 1980. Et c’est justement avec le désir de rendre hommage à ces deux héros de l’ombre, qu’une descendante de la famille Singer, Paulette Singer-Barrette, fit les démarches pour que le titre de « Juste parmi les Nations » leur soit finalement décerné à titre posthume, au mois de Mai 2006.
Albert-Louis BERNARD (1916-1970)
Né le 26 juillet 1916 à Senlis, Albert-Louis Bernard avait épousé Mademoiselle Janine Garnier en 1942, au Puy-en-Velay. Directeur du centre d’apprentissage du Maréchal Fayolle et de la maison de rééducation de l’Hermitage au Puy, ces différents établissements seront autant de caches pour des dizaines de juifs en partance pour le Sud de la France durant le second conflit mondial. Or, c’est justement du fait de ces agissements, qu’Alfred Feldman et Jacques Blum, deux juifs réfugiés au Puy, rentrent en contact avec le jeune directeur qui va faire en sorte de les cacher à l’Hôtel du Chapon Rouge, dont son propriétaire était un ami sûr, et ce, alors même que l’hôtel était occupé par les Allemands. C’est notamment grâce à cette aide précieuse que ces derniers pourront par la suite traverser les Alpes italiennes au mois de septembre 1943 sans être inquiétés. Décédé le 16 janvier 1970, pour ses actions au péril de sa vie, Albert-Louis Bernard a pu recevoir, 42 ans après son décès, la Médaille des Justes parmi les Nations à titre posthume au mois de juillet 2011.